Agile Expert Talk #2 : Pas d’entreprise agile sans état d’esprit agile ?

Nous avons discuté de l’agilité avec cinq formateurs Digicomp qui ont fait de l’agilité la partie centrale de leur vie professionnelle depuis de nombreuses années. Certains de ces experts ont même prêté allégeance à Kanban, berceau d’une guerre idéologique. Ça promet une discussion de choc !

Auteur Digicomp
Date 03.06.2021
Temps de lecture 12 Minutes

Dans l’article précédent, nos experts nous ont donné leur définition de l’agilité, ils nous expliquent maintenant les processus d’adoption de l’agilité au sein des entreprises.

Est-ce qu’il suffit d’adopter l’agilité comme état d’esprit pour que l’application des méthodes agiles fonctionne ? Est-il possible de développer progressivement un tel état d’esprit ?

Ralph Jocham : Je peux entreprendre quelque chose, être très discipliné et ça va bien fonctionner pendant un certain temps, mais il y a toujours un moment où on retombe dans ses anciens processus. Mais si j’ai le bon état d’esprit, la question de la discipline ne se pose même plus, parce que ce que je fais est évident.

Markus Wissekal : Je ne suis pas tout à fait d’accord avec Ralph sur ce point. Les états d’esprits, attitudes et valeurs sont pour moi comme la condition physique. Si on n’y travaille pas, on devient un peu rouillé. Et sur ce point, je suis particulièrement fervent de l’idée de commencer à mon niveau et de prendre des mesures aussi importantes que possible pour améliorer mon avenir. Il n’y a alors rien de vrai ou de faux dans l’état d’esprit. Pouvoir essayer de nouvelles idées est quelque chose de fantastique. Dans certaines entreprises, le développement d’une culture tolérante vis-à-vis des erreurs est encore un peu en retard. Et malgré cela, je peux créer des choses formidables avec les gens qui travaillent dans ces entreprises, parce que personne n’est complètement défini par l’entreprise ou l’environnement dans lequel il travaille.

Uta Kapp : Je pense qu’au moment de l’introduction de l’agilité commence un processus de dynamique de groupe et que ce processus doit avoir sa place et peut-être même être accompagné, parce que les conflits existent. Cela n’apporte rien de vouloir les éviter à tout prix, il faut pouvoir résoudre un conflit pour pouvoir avancer.

Marco Tommasone : Pour moi, tout cela forme une synergie. Si je réfléchis à ma manière d’apprendre, alors un état d’esprit seul ne suffit pas. Me souvenir de certaines choses m’aide souvent. Que dit la littérature à ce sujet ? Je crois que quand on procède de manière très structurée avec les frameworks ou les méthodes agiles, cela nous aide à être disciplinés et à obtenir de meilleurs résultats. Le niveau de maturité joue également un très grand rôle. Où est-ce que je me situe en ce moment ? Quelles sont les raisons qui font que quelque chose qui a très bien fonctionné jusqu’à maintenant ne fonctionne soudainement plus ?

 

Vous êtes tous actifs depuis de nombreuses années dans des entreprises en tant que coach et formateurs Agile. Qu’est-ce qui rend souvent difficile cette transition vers une organisation agile ?

Ralph Jocham : En fin de compte, l’attitude dans une entreprise est reflétée par la culture d’entreprise prédominante. Si je veux faire évoluer une entreprise vers l’agile, il faut effectivement changer l’attitude des employées et employés – et il ne s’agit pas d’une tâche banale ! Si nous leur disons que le développement d’un produit complexe est imprévisible et que nous avons besoin de boucles de feedbacks, à quel point la réorientation de la culture d’entreprise – où nous disons que c’est ok de faire des erreurs, que c’est ok de prendre des risques, que c’est ok d’essayer de nouvelles choses – devient-elle un défi ? C’est là que ça coince dans la plupart des entreprises.

Uta Kapp : Une chose qui revient aussi souvent c’est l’importance capitale d’emmener tout le monde dans le changement. C’est vrai que dans les entreprises classiques, nous retrouvons des positions définies auxquelles des avantages sont souvent associés. La peur de perdre le contrôle est grande. Prenons un exemple : des responsables de projet occupent une place hiérarchique informelle et doivent se trouver une nouvelle place dans le cadre de Scrum. Cela fait naturellement peur et s’ils ne sont pas accompagnés et pas intégrés dans le changement, c’est évident qu’ils riposteront pour équilibrer d’une manière ou d’une autre cette perte de contrôle. C’est pourquoi la transition vers une entreprise agile est aussi un processus d’accompagnement profond. Accompagner une seule personne est déjà un processus difficile, mais accompagner une équipe entière est encore plus ardu. C’est là qu’on touche vraiment aux choses essentielles !

Marco Tommasone : Je voudrais séparer l’état d’esprit et le changement en général. En tant qu’êtres humains, nous sommes intrinsèquement réticents aux changements. Cela n’a rien à voir avec l’agilité, il s’agit de zone de confort. La zone de confort est rassurante, car nous connaissons les risques, et tout ce qui se trouve en dehors de notre zone de confort peut mener à notre mort – cet instinct nous vient de la préhistoire. Et lorsque nous coachons une organisation, exactement les mêmes instincts entrent en jeu. Il existe un certain désir de protéger le statu quo, parce que tout le reste peut représenter un danger. Par exemple au niveau personnel, parce que l’on craint de perdre son travail ; ce qui n’a pas de rapport avec l’agilité, mais qui peut être parfois interprété comme tel. On peut alors comprendre qu’il existe un certain ressentiment et que par conséquent beaucoup de choses ont à voir avec la zone de confort et la hantise que cause l’idée du changement chez les êtres humains.

Ralph Jocham : Et cela nous ramène à l’état d’esprit.

Marco Tommasone : Aussi, mais pas seulement, parce que de l’aide est nécessaire pour que tout puisse fonctionner à nouveau.

Ralph Jocham : Mais si j’ai accès à cette aide et que je sais que je peux compter sur celle-ci, alors mon état d’esprit change également.

Marco Tommasone : Il est parfois difficile pour la personne en face de vous de placer sa confiance dans le fait que vous avez les « bonnes » réponses. C’est pourquoi nous devrions travailler en général avec le changement et nous référer encore plus à nos observations. Faisons de petites expériences. Ce qui en résulte sera notre prochaine conclusion. Peut-être que ce que vous avez en tête a plus de sens, peut-être, à l’inverse, que c’est ce que je recommande de faire en tant que coach qui a plus de sens.

Markus Wissekal : Une chose que nous oublions justement souvent dans le domaine de la formation, c’est de poser les bonnes questions. Personne ne devrait s’attendre à recevoir toutes les réponses d’un formateur. De la même manière, aucun formateur ne devrait se permettre l’arrogance de prétendre connaître exactement les besoins de telle entreprise ou de telle équipe. Nous devrions plutôt faire preuve de finesse et poser les bonnes questions afin de détecter, avec le client, ce qui fonctionne déjà bien, ce qui peut être amélioré et ce qui ne fonctionne pas du tout en ce moment.

Est-ce que l’introduction de méthodes agiles devrait être systématiquement accompagnée d’un travail sur la culture d’entreprise et de gestion ?

Ralph Jocham : Je crois que c’est relativement facile de motiver les personnes qui concrétisent ce travail. Cas lorsqu’on leur dit qu’ils auront plus d’autonomie, qu’ils peuvent décider et s’organiser eux-mêmes – personne ne dit non. Cela fonctionne seulement jusqu’à une certaine hauteur hiérarchique et on tombe toujours à un certain moment sur ce cœur rigide que l’on appelle également « Frozen Core ». Même pour les étages supérieurs du management, les méthodes de travail agiles semblent fabuleuses au premier abord : « Vous aurez vos produits et vos services pour moins cher et plus rapidement, et vous en aurez même encore plus ». Ils répondent alors : « Bien sûr, c’est ce que nous voulons, nous allons devenir une entreprise agile ». C’est ensuite que je dois vraiment réussir à faire passer la pilule en partant des deux extrémités jusqu’aux couches intermédiaires de la hiérarchie. Les entreprises ont un système immunitaire. Et quand des changements doivent être opérés et que ceux-ci ne sont pas communiqués clairement, ils sont perçus comme un corps étranger. Celui-ci sera identifié, tué et éliminé.

Que devraient apprendre les cadres supérieurs afin que l’introduction des méthodes agiles puisse s’infiltrer dans ce « noyau gelé » des couches intermédiaires de la hiérarchie ?

Uta Kapp : Cela n’a souvent rien à voir avec la méthodologie, mais bien plus avec le respect. Il est important de respecter les personnes qui sont présentes depuis longtemps et qui ont fait leur place. Et il est aussi important de les encourager à participer à la transformation agile. Leur travail est aussi de faire prospérer l’entreprise. Ce n’est pas un coach qui est en mesure de le faire, mais bien les cadres supérieurs. Si les cadres supérieurs soutiennent la transformation agile et expliquent pourquoi celle-ci doit se produire, en règle générale, celle-ci est aussi réussie. Mais si ce n’est pas le cas, nous devons les épauler pour atteindre exactement cet objectif. En ce sens, il s’agit d’un véritable leadership et de savoir où l’on veut aller.

Lisez la suite de la discussion ici : nos experts y expliquent les processus d’adoption de l’agilité au sein des entreprises.

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