La fête est finie. Que va nous apporter le cloud dans les 40 prochaines années ? – une réplique

Mon père a écrit un article il y a 40 ans, sur comment il imagine le futur. J’avais promis de répondre quand le moment viendrait.

Auteur Matthias Gessenay
Date 20.01.2018
Temps de lecture 7 Minutes

J’écris cet article pour honorer une promesse. Il y a exactement 40 ans, mon père a publié un article sur Internet sur la manière dont il s’imaginait le monde 40 ans plus tard. Comme vous pouvez le lire, il était tout à fait euphorique à l’époque et entrevoyait un fort potentiel pour le futur. Vers la fin de sa vie, il a ressenti que le monde irait dans une direction totalement différente et m’a demandé d’écrire la vérité en temps venu. Voici mon récit.

Trois évolutions étaient essentielles aux yeux de mon père :

  • Artificial Intelligence (AI)
  • Internet of Things (IoT)
  • Digital Transformation

Replaçons un instant ces notions dans leur contexte :

L’AI aujourd’hui se rapproche de l’Assisted Decision Making (ADM), qui élabore les décisions presque toujours à partir de données et fait des propositions en se basant sur des graphiques et données historiques. Selon la précision des sources, elles doivent ensuite être validées par une Human Interaction (interaction humaine ou HI). Ce procédé est courant autant pour les contrôles fiscaux, les priorités des médecins urgentistes que pour les cas de sinistres d’assurances. Il a ainsi donné lieu à de toutes nouvelles prestations : pour presque tout, je peux désormais réaliser un «prescan» statistique, qui assure ainsi la conformité de mon cas ou me donne des conseils sur ce que je peux améliorer. Récemment, je me suis blessée dans ma cuisine, le “prescan” ne m’a pas simplement conseillé d’emmener mon mari et mes enfants aux urgences avec moi (les familles sont mieux considérées), il m’a également obtenu une bonne place dans la file d’attente.

L’IoT est aujourd’hui aussi banal que l’électricité ne l’était auparavant. Tous les appareils, maisons, jardins, véhicules envoient des rapports aux Data Nodes (nœuds de données). Ces données sont ensuite analysées et donnent lieu à des prises de décision afférentes et instructions. La division en différentes catégories est assez courante, je peux ainsi connecter mon véhicule à un hub de haute qualité et bénéficier d’itinéraires préférentiels, mais je dois bien sûr avoir souscrit à un abonnement mensuel au préalable.

La Digital Transformation ne peut être comprise que dans le contexte des bureaux d’antan. Les humains réalisaient des (longs) trajets pour travailler ensemble au même endroit. On a quelques difficultés à se l’imaginer aujourd’hui, mais c’était parfaitement normal à l’époque. Nous sommes aujourd’hui redevenus des paysans, des paysans numériques, nous travaillons depuis notre domicile, nous avons peu de raisons de voyager.


L’ironie est que mon père avait tout à fait raison dans sa prédiction – tout en tombant complètement à côté de la plaque.


Ce qui apparaissait important à l’époque ne l’est plus aujourd’hui. Ce qui était recherché est devenu quotidien et pénible. Après la crise financière du début du siècle, la digitalisation a déclenché un boom économique. Toutefois, l’augmentation de la productivité n’a jamais été aussi importante que lors de l’invention de la moissonneuse batteuse par exemple. Elle a en effet subitement rendu le travail de nombreuses personnes inutile, du moins provisoirement, car les transformations ont eu lieu beaucoup plus rapidement, contrairement au passé – les changements sont allés à la vitesse des machines, non à celle des humains. Additionné à la forte augmentation des coûts de l’énergie, ce processus a conduit à une baisse ou une stagnation permanente − selon le pays que l’on observe − de l’activité économique depuis dix ans. Toutefois, personne n’était préparé à une économie sans croissance, la fête était et est terminée.

Notre rayon d’action se réduit pratiquement chaque année. En raison de la transformation digitale, je ne peux plus me permettre financièrement de voyager, et il faut que je sois à la maison pour entretenir notre jardin, planter des légumes pour l’hiver et bien entendu pour les vendre chaque semaine au marché local. Évidemment, il existe Coop et Migros mais pas dans notre village et là aussi, bien des choses ont changé avec l’augmentation du prix de l’énergie: on évite la réfrigération, les emballages coûteux ainsi que les biens importés. IoT a également besoin d’énergie, c’est la raison pour laquelle il doit également lui même économiser l’énergie et les appareils sont tous réglés en conséquence, du four (nous n’avons le droit de le faire chauffer que jusqu’à 180°) au véhicule, et tout est importé dans le score énergétique du mois. L’IA est elle-même très importante pour diriger et optimiser l’économie et la consommation d’énergie. Cela exige parfois des sacrifices importants (la possession de chiens n’est autorisée qu’en cas de nécessité, car les ballades représentent un gaspillage énergétique) mais cela reste acceptable. L’IA elle-même ne rentre naturellement pas en ligne de compte étant donné que l’énergie dont elle a besoin est rapidement amortie grâce à elle.

Qu’en est-il si moi je me projette dans 40 ans ? Pour être parfaitement honnête, je n’en sais rien.

Mara Gessenay
Le 8 janvier 2058


A propos de l'auteur

Matthias Gessenay

Matthias Gessenay est Microsoft Certified Trainer et l’un des propriétaires de Corporate Software, une entreprise spécialisée dans Microsoft SharePoint et Project Server – au point de rencontre de l’entreprise et de l’IT. Actif depuis plus de 15 ans dans l’informatique, il participe activement à des mises en œuvre techniques et travaille en tant que consultant senior dans le domaine de la gestion de projet et de la collaboration en entreprise. À son palmarès, on compte de nombreuses certifications Microsoft, les titres de MCSA, MCSE ainsi que d’autres certifications ITIL® de niveau expert. Il est en outre accrédité formateur pour ITIL, Six Sigma, Lean IT et Agile Project Management.