La gestion des services en pratique : comment fonctionne la gestion du portefeuille de services ?

Cela fait déjà un certain temps qu’on parle de portefeuilles dans le domaine informatique, et la pratique s’est déjà imposée très souvent, p. ex. dans la gestion du portefeuille de projets. Bien entendu, l’idée peut aussi s’appliquer au thème des services.

Auteur Markus Schweizer
Date 07.10.2014
Temps de lecture 8 Minutes

Cela fait déjà un certain temps qu’on parle de portefeuilles dans le domaine informatique, et la pratique s’est déjà imposée très souvent, p. ex. dans la gestion du portefeuille de projets. Bien entendu, l’idée peut aussi s’appliquer au thème des services.

ITIL® a déjà abordé ce thème en 2007 dans la version 3; toutefois, l’approche était assez académique, et par conséquent guère utile sur le plan pratique. L’ouvrage “ITIL® Service Strategy” (Stratégie des services ITIL®), quelque peu raté d’une manière générale, a été sensiblement remanié pour la version 2011 et le processus de gestion du portefeuille de services a été complété, mais le principal concept de l’approche de Luehrman (cf. ci-dessous) n’a malheureusement pas été modifié, s’éloignant ainsi de l’objectif : les portefeuilles devraient en principe servir à illustrer des rapports complexes et ainsi faciliter des décisions stratégiques concernant les objectifs des portefeuilles (projets, applications, services, risques, technologies, compétences, etc.) en mettant en relation des facteurs stratégiques tels que les investissements, la rentabilité, l’exposition aux risques, les parts de marché, etc.

L’origine

L’ancêtre de l’approche du portefeuille dans la stratégie Business est la matrice de Boston Consulting Group, qui évalue les produits en fonction de leur positionnement en termes de part de marché et de croissance du marché, et les subdivise ainsi en quatre célèbres piliers: “vaches à lait”, “vedettes”, “poids morts” et “dilemmes”.

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©Boston Consulting Group

Cette représentation est facile à comprendre et peut servir de base de discussion pour des décisions stratégiques, qui peuvent ensuite être étayées aussi par des modèles mathématiques lorsque les informations disponibles sont insuffisantes.

Que dit ITIL® ?

ITIL® se lance dans une variante très ambitieuse d’outil de portefeuille reposant sur les idées de Luehrman. L’idée de Luehrman, selon laquelle la mise en œuvre d’une stratégie doit être non pas une extrapolation linéaire dans l’avenir mais être flexible et impliquer une réévaluation permanente des possibilités d’action, est certes déterminante, mais je doute que l’application de son portefeuille composé de six domaines (“Tomato Garden”) soit judicieuse pour la gestion de services :

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©«Tomato Garden», Timothy A. Luehrman, Harward Business Review

Tout d’abord, il manque dans la gestion des services de nombreux ratios financiers détaillés pour pouvoir réaliser une telle analyse de façon judicieuse, et deuxièmement les possibilités d’action d’un fournisseur de services informatiques sont souvent très limitées, de telle sorte que la dépense est difficilement justifiable pour la mise en place d’un tel portefeuille. Cela vaut certainement pour les fournisseurs de services de type I et II, mais les fournisseurs de services de type III (indépendants) n’ont souvent pas une liberté de choix absolue dans l’offre de services, le marché potentiel ou le segment clientèle.

Pourquoi avons-nous donc besoin d’un portefeuille de services ?

Peu importe le type de fournisseur de services que nous sommes, nous devons pouvoir évaluer notre offre de services sur la base de différents critères. En fonction du niveau de maturité et de l’orientation du fournisseur de services, un portefeuille de services doit aussi être pris en compte dans le contexte d’un portefeuille d’applications (frais de licence, d’exploitation et d’entretien, fréquence de mise en production, etc.) et d’un portefeuille de clients (taille, potentiel de croissance, segment de marché, etc.) afin de pouvoir examiner les questions en fonction de la pertinence, de la rentabilité, des coûts, des investissements, de la criticité des services, etc. ITIL® 2011 fournit une bonne liste de critères d’évaluation tenant aussi compte, outre les critères purement financiers, d’autres éléments :

  • Impératifs des missions
  • Conformité
  • Tendances
  • Bénéfices immatériels
  • Intérêt stratégique ou opérationnel
  • Responsabilités sociales
  • Innovation

ITIL® 2011 fournit également une bonne classification pour les conclusions possibles pouvant être tirées d’un portefeuille de services :

  • Garder/construire
  • Remplacer
  • Rationaliser
  • Refaire
  • Renouveler
  • Eliminer

Une représentation simple

La question se pose maintenant de savoir comment construire un portefeuille approprié pour évaluer la population de services. Un portefeuille devrait toujours être une illustration simple de tenants et aboutissants. Pour faciliter la compréhension, je recommande la solution en deux dimensions des quatre piliers, déjà utilisée dans la matrice BCG :

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La décision importante consiste maintenant à savoir quels critères choisir pour les deux axes. Cela dépend normalement de la situation spécifique et du but de la représentation. Le plus souvent, un axe représente une dimension financière (coûts, chiffre d’affaires, etc.) et l’autre peut alors être librement libellé : risques, conformité, valeur stratégique, inventaire des compétences, etc.

Un exemple pratique

Pour terminer, je souhaite présenter un petit exemple pratique d’une stratégie d’application qui a été développée pour un office fédéral à l’aide d’un portefeuille d’applications.

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Les dimensions choisies ici ont été d’une part le coût total de possession sur quatre ans, et d’autre part la criticité opérationnelle, qui se présente sous la forme d’un indice comprenant le risque de mise en danger de la vie et de l’intégrité corporelle, les risques de réputation et les risques financiers.

Ce portefeuille constitue la base pour l’affectation de ressources à des projets, la définition des priorités de projets, l’établissement d’un budget, la planification de la mise en production, ainsi que la gestion des fournisseurs et la gestion opérationnelle. Tandis que les applications dans la zone rouge sont soumises à un contrôle de gestion complet et régulier, les applications dans la zone bleue sont notamment optimisées sur le plan des coûts. Les applications dans la zone jaune sont notamment améliorées en termes de disponibilité et, dans la zone verte, seule la gestion des licences est abordée.

En l’espace de deux ans, ce portefeuille d’applications est passé d’un simple inventaire d’applications à une importante base de données d’applications. L’ajout permanent d’attributs de différentes dimensions comme l’architecture informatique, la sécurité, la gestion des risques et la gestion opérationnelle a permis la création d’une importante base de données pour des évaluations détaillées.

Un portefeuille de services doit également être élaboré de la même manière: au fil du temps, le noyau d’un simple catalogue de services peut donner naissance à un portefeuille de services stratégique avec l’ajout progressif d’attributs supplémentaires.


A propos de l'auteur

Markus Schweizer

Markus Schweizer est formateur Digicomp, expert ITIL® et Cobit ainsi que consultant en stratégie chez DXC Technology pour toutes les questions de gestion des technologies de l’informatique. Auparavant, il a travaillé pour IBM et PwC et a passé neuf ans aux États-Unis où il a conseillé des grosses entreprises dans le déploiement de concepts de gestion de services. Il est spécialisé en gestion d’entreprises informatique, en numérisation interne, en gouvernance et en SIAM.